Parlons un peu… création!

Nous vous proposons ci-dessous une petite interview de nos cheffes de choeur dans laquelle elles se dévoilent quant au processus créatif qui les anime et qui a nourri « Page blanche »‘

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Geneviève Laloy, Marie-Sophie Talbot, vous signez ensemble la composition de tous les morceaux du spectacle Page blanche. Comment les avez-vous créés ? D’où vous vient l’inspiration? La création des titres composant « Page blanche » a-t-elle été différente de celle de vos spectacles propres ?

Marie-Sophie Talbot :

« J’écris ou je pense à une ligne mélodique qui entraîne une suite d’accords, ou une ligne de basse qui entraîne une mélodie puis des accords. Soit c’est modal et je privilégie le rythme et les mélodies, et j’improvise alors autour de ce rythme et du mode… Soit c’est tonal et j’invente une suite d’accords qui suivent la mélodie créée.

La création vient quand je m’y attends le moins ou, au contraire, quand je suis à fond dans un projet. Par exemple sur Page blanche, les idées me sont parfois venues pendant que nous étions en train de répéter avec tout le chœur. Je compose donc souvent au piano. Mais aussi sur d’autres instruments et à la voix.

J’aime composer pour des voix, et j’aime l’approche harmonique et rythmique, sans doute à cause de mes différentes formations et instruments pratiqués.

La particularité, ici, était de chercher des couleurs, des ambiances différentes, mais toujours pour un choeur mixte. C’était une contrainte mais il y avait une liberté dans cette contrainte. »

Geneviève Laloy:

« Nous créons toutes les deux nos morceaux de manières différentes, notamment en raison de nos parcours musicaux respectifs, de nos instruments de travail à la base et probablement de nos personnalités. En ce qui me concerne je crée souvent un morceau en commençant par le lead de base et puis j’harmonise à plusieurs voix en utilisant divers outils. Parfois, j’ai en tête une harmonie de base, une ligne de basse, un rythme qui m’inspirent et m’emmènent ensuite dans une ligne mélodique. J’utilise principalement la voix et la flûte pour la création de morceaux.
L’inspiration peut me venir de tas de manières différentes: parfois, n’importe où et n’importe quand, de manière tout à fait spontanée, un morceau de mélodie survient. Je la chante et la rechante, la tourne dans tous les sens, l’enregistre ou l’écris pour la garder en mémoire puis j’y retravaille par la suite. J’ai ainsi assez régulièrement des morceaux « en chantier » qui s’empilent en attente d’être retravaillés.
A d’autres moments, le travail est plus systématique et je cherche à créer tel ou tel type de morceau, a fortiori dans le cadre d’un projet comme celui-ci.
C’est là qu’intervient la différence dans la création des morceaux composant « Page blanche » et ceux de mes autres projets personnels: ici, j’écris pour un choeur de 35 personnes, dans le cadre d’un projet de spectacle avec une intention particulière, une trame en filigrane, et avec une comparse, Marie-Sophie. Plus le projet avançait, plus il fallait veiller à l’équilibre des morceaux les uns par rapport aux autres, que ce soit au niveau des styles, des rythmes, des harmonies, ou des tonalités. Marie-Sophie est la référente pour les arrangements de ce spectacle, notamment l’accompagnement des chants par un trio de musiciens. »

Justement, comment arrivez-vous à harmoniser vos styles respectifs?

Marie-Sophie Talbot :

« La collaboration se fait naturellement, et je trouve bien qu’il y ait cette richesse de création. Geneviève et moi avons des démarches différentes et des bases différentes, ce qui fait que nos compositions se complètent. Cela donne une palette plus variée. »

Geneviève Laloy :

« Harmoniser nos styles personnels respectifs s’est fait de manière plutôt naturelle, me semble-t-il. Par moment, nous avons chacune veillé à créer des morceaux qui pouvaient apporter quelque chose de nouveau dans le spectacle, en quittant nos styles personnels. Nous nous sommes ainsi penchées l’une comme l’autre sur ce qui était nécessaire pour le bien du spectacle, sa cohérence, sa diversité. « Tiens, il manque un morceau de type jazz latino ici ou un morceau plus classique là…  » C’est ainsi que nous orientions notre notre travail. »

Méli-Mélo est un groupe très participatif et démocratique. Un groupe « création » a donc été mis sur pied pour accompagner l’élaboration de ce spectacle. Pouvez-vous nous parler de ce procesus participatif au sein de Méli-Mélo? 

Geneviève Laloy :

« Dans l’histoire de Méli-Mélo, il y a une volonté d’être dans une co-gestion de projet. Il y a donc des structures de participation qui permettent aussi souvent que possible et que nécessaire de se mettre autour de la table en grand groupe ou en groupes restreints pour organiser, créer, parlementer, projeter, gérer les différents aspects de la vie de Méli-Mélo que ce soit au niveau artistique, festif, logistique, administratif ou financier. C’est un processus qui est très porteur et qui permet en principe à chacun de prendre une part active dans le groupe, d’une manière ou d’une autre.
Bien entendu, ce fonctionnement a ses limites, ses écueils, ses questions récurrentes, ses lourdeurs, ses insatisfaits mais il présente d’un autre côté de nombreux défis, une dynamique souvent stimulante et permet un projet dont le coeur est bien le chant choral. Cela reste l’essentiel. »

Marie-Sophie Talbot :

« La répartition du travail en groupes, dans Méli-Mélo, fonctionne plutôt bien. Un petit noyau se charge de défricher le travail en amont puis le groupe entier est consulté. C’est en cela qu’il s’agit vraiment d’une création collective. Cela ralentit certes le processus de création, car chacun y va de son avis, mais c’est très enrichissant. »

 « Page blanche » a également recours au regard extérieur d’une metteuse en scène professionnelle, Isabelle Dumont. Comment se passe la collaboration avec elle ?

Geneviève Laloy:

« Ce regard extérieur est un des éléments déterminants dans ce processus de création de « Page Blanche ».
Notre équipe Création, avec Jean-Luc Yerlès pour la mise en mouvement, est précieuse pour la mise en espace globale de cet opéra inédit. Je pense que nous avons réussi à trouver dans ce groupe de bons moyens pour élaborer la trame du spectacle. Nous avons beaucoup tâtonné mais au bout du compte, un projet s’est clairement dessiné. Isabelle Dumont, en nous rejoignant, nous permet vraiment d’articuler de manière la plus harmonieuse possible les divers éléments du spectacle. Son regard neuf et aiguisé fait en sorte que ce spectacle soit cohérent dans sa forme, sa dramaturgie, dans la place accordée à chacun et dans l’harmonie générale du projet.
Isabelle Dumont a ceci de précieux qu’elle est à la fois assez calme, zen, et qu’elle sait en même temps dire très clairement ce qui lui convient ou pas, ce vers quoi elle pense que nous devrions aller, etc. Elle est également très utile pour les aspects techniques de notre spectacle: scénographie, costumes, lumières, vidéo, musiciens, etc. »

 Marie-Sophie Talbot :

« Il est très important de disposer d’une personne extérieure qui puisse se concentrer sur l’ensemble du projet, alors que nous sommes parfois, nous, le nez dessus, plongées que nous sommes dans les compositions, les aspects musicaux, les arrangements etc. »

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